Quoi de plus attendrissant qu’une petite main d’enfant toute lisse dans celle plus ridée de son grand-père ou de sa grand-mère ? Se promenant sans se presser le long de la plage ou en pleine forêt¸ ils profitent pleinement du présent.
« Cette connivence intergénérationnelle est l’une des expériences des plus enrichissantes et épanouissantes, relève Dominique Dirlewanger*, historien et chercheur associé à l’Unil. La plupart des grands-parents qui s’occupent de leurs petits-enfants ne le vivent pas comme une charge ou un sacrifice. »
Selon l’historien, la figure du grand-père débonnaire, de la gentille grand-mère émerge dans la littérature du 18e siècle. En 1877, Victor Hugo a lui-même écrit et décrit dans un recueil de poèmes « L'Art d'être grand-père », la joie de ces moments partagés. L’écart de génération favorise une complicité sans enjeux ni obligations.
Pourtant, ce lien précieux est parfois fragilisé quand les grands-parents ne savent pas rester à leur place et se mêlent d’éducation. « Nous les mettons en garde contre d’éventuelles interférences, observe Norah Lambelet Krafft, fondatrice et responsable d’Etre grands-parents … aujourd’hui, à Lausanne**. Et contrairement à ce que l’on peut penser, ce ne sont pas toujours les belles-filles qui posent problème. » Les sujets qui fâchent ne manquent pas : nourriture, temps passé devant les écrans, conseils du genre « Moi, à mon époque… » Pour désamorcer les conflits, l’idéal est de faire preuve de souplesse et de collaborer.
Les seniors ont bien changé. Depuis des décennies, ils ont gagné en espérance de vie, sont en meilleure santé quand sonne l’heure de la retraite.
Loin d’être obsolètes et inutiles, les grands-parents jouent un rôle économique et social essentiel en étant la plus grande garderie du pays.
« S’il fallait mettre les structures et le personnel nécessaires pour les remplacer, il faudrait des milliards, estime M. Dirlewanger. Quand les deux parents travaillent ou pire quand ils ne vivent plus ensemble après un divorce, une séparation, ils sont des piliers de stabilité, des référents sur qui on peut compter au quotidien. »
Disponibles et disposés à rendre service, les grands-parents qui empiètent sur l’autorité parentale prennent cependant le risque de se heurter à un fort instinct de possession.
« Les parents des jeunes générations vont jusqu’à rompre toute relation s’ils jugent les grands-parents trop intrusifs ou s’ils ne respectent pas leurs consignes, souligne Mme Lambelet Krafft. Nous aidons ces grands-parents en situation de rupture ou de relations difficiles, à renouer le contact avec leur famille. »
En cas de règlement de comptes, les petits-enfants peuvent vite se transformer en otages. A l’inverse, ils sont aussi l’occasion de se rapprocher des siens. Les nouveaux parents éprouvent à ce moment, le besoin d’apporter à leur enfant des grands-parents, mais aussi des oncles, des tantes et une histoire dans laquelle il va pouvoir s’inscrire. Au nom de l’esprit de famille, du sentiment d’appartenance, il est possible d’aller au-delà des différends et des différences.
Autrefois, de par une autorité naturelle et leur expérience de vie, les grands-parents comptaient davantage dans les rapports familiaux. « Plusieurs générations cohabitaient sous le même toit, explique M. Dirlewanger. La solidarité générationnelle allait de soi et elle a fonctionné jusqu’au tournant individualiste de la société dans les années 70-80. » Dans ce nouveau contexte, obstacles et réticences sont apparus entre parents et grands-parents.
Dorénavant, plus d’un papy ou d’une mamie ne veut pas être considéré comme un baby-sitter en puissance ou tout du moins pas seulement. « Apprendre à dire non est l’un des thèmes abordés lors de nos séances, rapporte Mme Lambelet Krafft. Entre une sortie, un atelier avec leurs petits-enfants que nous organisons, ils s’interrogent sur leur rôle. »
Le cœur des grands-parents balance entre l’envie d’avoir du temps pour eux et celle de s’investir pleinement dans la grand-parentalité. Il y a autant de grands-parents que d’individus. Par devoir, certains se sentent obligés de prêter main-forte, d’autres trop occupés jadis à travailler ou trop sévères, voient une chance de se rattraper et d’autres encore entendent profiter de leur retraite sans contrainte, sans vouloir transmettre quoi que ce soit. Pour les volontaires, leur mission s’ils l’acceptent est d’être patients, compréhensifs, de s’entendre avec les parents pour que les choses se passent bien. En échange, ils recevront des marques d’affection indéfectible et retrouveront le goût de l'enfance qu'ils avaient peut-être oublié.
François Jeand’Heur
* Les couleurs de la vieillesse, Dominique Dirlewanger, Alphil éditions, 2018
www.alphil.com/index.php/auteurs/dirlewanger-dominique/les-couleurs-de-la-vieillesse.html
Version téléchargeable gratuite
** Etre Grands-Parents... aujourd'hui
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